Gazette de Québec du 15 septembre 1814
Montréal, 10 septembre. -- Nous avons des nouvelles de
Plattsburg d'hier matin. La plus grande partie de nos
troupes y étoient arrivées ; mais par les mauvais
chemins cau-
sés par les grandes pluies, l'Artillerie n'étoit pas
rendue. On
dit que notre perte dans la marche de Champlain à Plattsburg
a été de 20 tués et environ 40 blessés.
Le Lieutenant Colonel
Willington du 5e Régiment est au nombre des premiers, un
Capitaine et 2 Subalternes au nombre des derniers. Nous
apprenons que six des Voltigeurs ont été tués.
On pensoit que
le Fort soutiendroit pas long temps; il tiroit à boulets
rouges sur la Ville, où étoient les Anglois; plusieurs
des mai-
sons ont été brûlées en conséquence.
Gazette de Québec du 15 septembre 1814
Lac Champlain, 15 septembre
C'est avec regret que nous annonçons
au Public la prise et
destruction de la principale partie de notre Flotte sur le lac
Champlain. Les deux Escadres se rencontrèrent vis-à-vis
Cum-
berland Head Dimanche dernier à dix heure du matin.
Notre flotte fut conduite à l'action de la manière la
plus brave par le Commodore Downie dans la Con
fiance, (gros Navire dernièrement lancé,) et l'Ennemi
fut forcé de se réfugier sous ses batteries. Mais
par un de ces
accidents qu'une prévoyance humaine ne peut parer, et qui si
souvent enlève la course à l'agilité et la bataille
à la force, la Con-
fiance donna sur un rocher caché en voulant se détourner
pour lâcher
une bordée au Commodore Américain. Son brave Capitaine
tomba
au commencement du combat qui fut cependant soutenu avec le cou-
rage le plus persévérant par le Lieutenant Commandant,
jusqu'à
ce que, le Gouvernail du vaisseau étant malheureusement
emporté, il devint tout à fait hors d'état de
pouvoir être
conduit, et étant exposé au feu de tous les vaisseaux
et cha
loupes canonnières de l'Ennemi, et ayant perdu en tués
et
blessés près de 150 hommes, (parmi lesquels sont tous
ses
Officiers,) et ne restant que 40 hommes en état, le Pavillon
Anglois fut enfin abattu. Le Brig Linnet commandé
par
le Capitaine Pring s'échoua en allant à l'action, et
y de-
meura jusqu'à ce qu'il fut aussi obligé d'abattre le
Pavil-
lon. Le Capitaine Pring n'a point de mal. Les deux
Sloops se mirent après les vaisseaux de l'Ennemi, et après
avoir
soutenu un feu terrible ils furent aussi pris. On dit que l'un
d'eux coula à fond après l'action, et que la Confiance
coula à
fond la nuit suivante.
Les Chaloupes canonnières et le Navire
contenant les Provi-
sions s'échappèrent.
L'armée à Plattsburg étoit
préparée à attaquer le Fort Amé-
ricain à cette place, mais elle se désista lorsque le
sort de la
flotte (dont la coopération étoit nécessaire au
succès des opéra-
tions sur terre) devint manifeste et inévitable. Les troupes
qui
avaient envahi le Territoire Américain ont été
retirées, étant
impossible, sans l'assistance d'une flotte, de profiter des avan-
tages que nous avions remportés, et dont la simple possession
n'est d'aucune importance sous un point de vue militaire.
Nous apprenons que les Quartiers Généraux
de notre armée
étoient établis à Chazy Lundi le 12 du courant
au Soir.
Gazette de Québec du 22 septembre 1814
Montréal, du 17 septembre
Dans une communication qui a une place dans
cette feuille,
il y a des observations que nous ne trouvons pas correctes. La
bataille n'a pas duré plus d'une heure et demie. Nous
sommes
informés que la force de chaque Escadre étoit comme suit
: la
force Angloise : un Navire montant en tout 32 canons : un
Brig, en tout 20 canons, deux Sloops de 70 Tonneaux, chacun
10 canons; et dix Chaloupes canonnières. La force
Améri
caine, un Navire marqué pour 28 canons, en portant 36 ; un
Brig, 24; une forte Goélette, 18; trois Slopps chacun
10 ca-
nons, et quatorze Chaloupes canonnières. Les équipages,
le
port et le poids du métal sont estimés à un quart
de plus du
côté des Américains; et nous n'avons aucune
raison de douter
de notre information. L'Ennemi s'est comporté bravement
mais il auroit certainement été pris si la Confiance
n'eût pas
perdu son gouvernail.
Le capitaine Pring du Linnet se comporta
avec une
bravoure tenant du désespoir; il défendit son Brig
pendant plu-
sieurs minutes après que ses compagnons eurent abaissés
leurs
Pavillons.
Aucune de nos Chaloupes canonnières
n'est tombée entre les
mains de l'Ennemi, quoique l'on ait rapporté le contraire;
quelques uns disent que nous en avons perdu sept. La Corvette
Icicle est en sûreté. Notre perte en tués
et en blessés est esti-
mée à 150 hommes, sans compter les Officiers. Voià
les par-
ticularités les plus authentiques que nous ayons pu recueillir.
On dit que la perte de l'Ennemi est plus considérable.
Depuis que nous avons écrit nos propres
observations nous
avons reçu les particularités suivantes auxquelles on
peut ajouter
foi, comme étant les plus récentes de l'endroit.
Comme nous avons lieu de croire que les détails
qui ont été
donnés jusqu'à présent au public au sujet de la
malheureuse
action récente sur le lac Champlain, ont été,
par le défaut
d'information suffisante sur ce sujet, carrémement [sic] erronnés
et
imparfaits, nous avons recueilli de sources authentiques le
détail suivant de ce malheureux événement, que
nous donnons
à nos lecteurs pour exact. -- Les deux Escadres se rencontrèrent
dans la Baie de Plattsburg le 11 du courant au matin; le Capi-
taine Downie, dans le Navire neuf Confiance, conduisit l'attaque
de la manière la plus brave, mais il fut malheureusement tué
quelques minutes après que l'action eut commencé.
Son Vaisseau
combattit ensuite pendant plus d'une heure avec la bravoure la
plus déterminée sous le Lieutenant Robinson, mais ayant
souf
fert une grande perte tant en Officiers qu'en hommes, le côté
opposé à l'Ennemi étant hors de service, et n'ayant
pu réussir à
virer vent arrière afin d'amener son autre batterie contre l'En-
nemi, tandis que le vaisseau ennmi réussit à se revirer
de ma-
nière à amener sa nouvelle batterie contre la Confiance;
son
Officier commandant fit abattre ses pavillons à regret, et l'En
nemi prit possession d'un pur débris, qui étoit si endommagé
que ce fut avec beaucoup de difficulté qu'il l'empêcha
de cou-
ler à fond.
Le Brig Linnet, commandé par
le Capitaine Pring et les
deux Sloops secondèrent la Frégate de la manière
la plus cou-
rageuse et la plus déterminée, et ne cédèrent
que lorsqu'ils
vinrent [sic] que la chûte de cette dernière rendait la
résistance inu
tile. Les Chaloupes canonnières, qui ne parurent pas avoir
grande part dans l'action, vouyant le sort des autres vaisseaux,
furent en état de s'assurer de leur retraite avec le vaisseau
d'ap
provisionnement qui accompagnoit l'Escadre.
Peu après le commencement de l'action
nos batteries furent
ouvertes sur les Forts et les Fortifications de l'Ennemi, et nos
troupes se préparèrent à leur donner l'assaut,
quand, en con-
séquence du résultat désastreux de la contestation
navale, il fut
jugé expédient de rappeler le parti qui avançoit,
L'objet de l'expédition ayant été
complètement frustré par
la perte de la flotte, on ne regarda pas la possession des forts et
fortifications d'une importance suffisante pour compenser les
vies précieuses du grand nombre d'hommes braves qu'il eût
fallu sacrifier pour les obtenir, surtout comme nous n'aurions
pas pu maintenir la position quand même nous en aurions pris
possession... Les batteries de l'Ennemi ne tirèrent point
sur
notre flotte durant aucune partie de l'action. La seule qu'on
supposoit pouvoir nuire à l'Escadre, étoit une batterie
construite
par l'Ennemi sur la grève, d'où il fut chassé
avant d'avoir tiré
un coup, immédiatement après que le feu de nos batteries
eut
commencé.
Notre perte entière dans l'action est
estimée à environ 170
hommes tués et blessés; celle de l'Ennemi est presque
aussi
grande. Le Navire de l'Ennemi étoit beaucoup endommagé
dans sa coque et ses Manoeuvres, et son côté opposé
le premier
à la Confiance presque ruiné. Notre armée
se retira de Platts
burg, le 12 à Champlain où une partie est maintenant
postée
et le reste est revenu immédiatement sur nos frontières.
Gazette de Québec du 22 septembre 1814
Québec, 22 septembre
On a reçu des Lettres en Ville qui
disent que l'Ordre Général
du Général Macomb à son armée, après
l'action navale récente
à Plattsburg, étoit arrivé à Montréal.
Il fait monter la perte
des Anglois en tués et blessés à 180 et celle
des Américains à
110, et il se vante d'avoir défait le Gouverneur Général
du
Canada à la tête de 14,000 hommes de Troupes choisies
com-
mandées par des Officiers qui se sont distingués dans
différentes
parties du monde, et cela avec 5000 hommes !
Comme il est ordinaire en ces occasions, il
est extrêmement
difficile d'obtenir une connoissance des faits qui sont les seuls
fondemens sur lesquels on puisse former un jugement correct.
Nous en savons néanmoins assez pour dire que l'Armée
An-
gloise a Plattsburg ne se montoit pas à 8000 hommes effectifs,
et que si elle a été défaite, elle n'a pas été
défaite par le Gé-
néral Macomb mais par le Commodore O'Donnough. La
vérité est qu'il n'y a point eu de bataille à
Plattsburg ; s'il au-
roit du y avoir une bataille ou non est une question que nous
trouvons agitée parmi nous. Les Militaires qui sont informés
de tous les faits, et qui ont étudié leur profession
en ce qui
regarde les devoirs du Général, sont seuls compétens
à déci-
der. Quant à ceux qui dans la plénitude de leur
ignorance et de
leur orgueil sont toujours prêts à prononcer dans ces
occasions,
leur opinion est tout à fait méprisable. Ceux qui
pervertissent
la vérité pour établir des conséquences
malicieuses devroient être
marqués comme les plus vils ennemis de la Société,
toujours
prêts à sacrifier le bien public pour satisfaire leurs
sentimens
factieux ou leurs propres passions.
Gazette de Québec du 29 septembre 1814
Quartiers généraux, Plattsburg, le 14 septembre 1814
ORDRE GENERAL
Le gouverneur général des Canadas
et commandant en chef
des forces angloises dans l'Amérique du Nord, ayant envahi les
territoires des Etats Unis, dans le dessin avoué de conquérir
le
pays jusqu'à Crown-Point et Ticonderoga, pour y faire hiver-
ner ses forces dans la vue de pousser plus avant ses conquêtes,
a
amené avec lui une puissante armée et une flotille, une
armée
montant à 14,000 hommes complètement équipés
et accompa-
gnés d'un nombreux [sic] train d'artillerie et de toutes sortes
de
machines de guerre, composée d'hommes qui avoinet vaincu en
France, en Espagne, en Portugal, et dans les Indes, et dans plu-
sieurs autres parties du monde et qui étoient conduits par les
gé-
néraux les plus distingués de l'armée Angloise.
Une flotille aussi
supérieure à la nôtre en vaisseaux, en hommes et
en canons, il
avoit déterminé de nous battre et par terre et par eau.
Le Gouverneur général, après
s'être vanté de ce qu'il vouloit
faire, et s'être efforcé de détouner les loyaux
habitans des
Etats-Unis de leur allégeance par des menaces et des promesses
contenues dans sa proclamation et ses ordres, fixa son quartier-
général à Champlain pour y organiser son armée,
et y déter-
miner le gouvernement des conquêtes qu'ils méditoit.
Le 2 de
ce mois il partit de Champlain, et le 5 il parut devant Plattsburg
avec toute son armée, et le 14 qui étoit le jour fixé
pour l'attaque
générale, la flotille arriva.
La flotille ennemie passa Cumberland Head
à 8 heures du
matin, et à 9 elle attaqua la nôtre qui étoit à
l'ancre dans la
baie de la ville, ne doutant pas d'avoir bon marché de toute
notre force navale, mais le brave commodore Macdonough dans
le court espace de deux heures obliga les gros vaisseaux à abaisser
leurs pavillons, tandis que les galères cherchèrent leur
salut dans
la fuite. Cet glorieux exploit s'est fait à la vue des
différens
forts, et l'armée Américaine a eu la satisfaction d'être
témoin
de la victoire. L'armée Angloise étoit aussi postée
de telle sorte
sur des hauteurs environnantes qu'elle n'a pu manquer de voir
cette lutte intéressante pour la possession du lac. Dans
le tems
que les flottes étoient engagées, l'ennemi ouvrit ses
batteries
sur les forts y jettant des centaines de boulets, de rockets
et
s'efforcant en même tems, de traverser le Saranac en trois
différens points, pour donner l'assaut. Au gué
d'en haut il fut
recontré par les miliciens et les volontaires, et après
des ten-
tatives répétées il fut repoussé avec une
perte considérable en
tués, blessés et prisonniers. Au pont près
du village il fut
repoussé par les piquets, et les braves carabiniers sous le
capt.
Grovenor et les lieutenants Hamilton et Riley; et au pont du
village, il fut défait par les gardes, les block houses,
et l'artillerie
des forts servie par les capitaines Brooks, Richards, et Smith,
et les lieutenants Moumfort, Smyth, et Cromwell. Le feu de
de [sic] nos batteries répondit avec effet à celui de
l'ennemi, et au
Soleil couchant, nous eumes la stisfaction de faire taire sept
batteries qu'il avoit érigées, et de voir sa colonne
se retirer à
son camp hors de la portée de nos canons.
Ainsi battu par terre et par eau, le Gouverneur
général retira
son artillerie et leva le siège à 9 heure du soir, envoya
son gros
bagage, et retraita à la faveur de la nuit avec toute son armée
vers le Canada, laissant sur le champ ses blessés et une grande
quantité de pain, de fleur, et de boeuf qu'il n'eut pas le temps
de
détruire, outre une quantité de bombes, de boulets, de
pierres
à fusil et de munitions de toutes sortes, qui sont près
des batteries
ou cachés dans les ruisseaux et les marais. Aussitôt
qu'on
s'apperçut de la retraite, les troupes légères,
les volontaires et
les miliciensse mirent à la poursuite, et le suivirent jusqu'à
Chazy, prenant plusieurs dragons et soldats, et favorisant en
outre la fuite de plusieurs centaines de déserteurs qui continuent
encore à arriver. Une violente tempête et une pluie
continuelle
ont empêché les braves volontaires et miliciens de pousser
plus
loin la poursuite.
C'est ainsi que les tentatives des envahisseurs
ont été frustrées
par une force régulière de 1500 hommes seulement, un
corps
brave et actif de miliciens de l'Etat de New York sous le
général Mooers, les volontaires et les citoyens respectables
et
patriotes de l'Etat de Vermont, conduits par le général
Strong
et d'autres Messieurs de distinction. Le tout n'excédant
pas
2500 hommes.
Les forces Angloises étant maintenant
ou prises ou chassées,
on peut se passer des services volontaires et de miliciens.
Le général Macomb ne peut cependant
laisser partir
les miliciens de New York et les volontaires de Vermont, sans
leur témoigner la haute estime qu'il fait de leur mérite.
Le
zèle avec lequel ils sont venus en avant pour la défense
de leur
pays, quand le signal du danger a été donné par
le général, fait
le plus grand honneur à leur patriotisme. Leur conduite
sur
le champ de bataille a été digne des motifs qui les y
ont amenés.
Ils ont mérité l'estime de leurs concitoyens, et l'entière
appro-
bation de leurs commandants. Ils ont fait voir avec quelle promp-
titude les citoyens Américains pouvoient se préparer
à rencon-
trer les ennemis de leur pays. En témoignant le cas qu'il
fait
des services des troupes, le général ne peut qu'exprimer
le
regret et l'affliction que lui cause la mort de quelques braves et
vertueux citoyens, et les blessures de quelques autres. Cette
perte sera sans doute amèrement sentie par leurs parents et
leurs
concitoyens, mais en même tems elle sera supportée avec
la
fermeté et la résignation qui conviennent à de
bons citoyens et à
de bons chrétiens.
L'affection du Général accompagnera
ses braves compagnons
d'armes partout où ils iront, et rien ne lui fera plus de plaisir
que de trouver les occasions de leur témoigner par ses actions
et
et [sic] par ses paroles la haute estime qu'il a pour eux.
Le Général au nom des Etats Unis,
remercie les volontaires
et les miliciens de leurs services distingués, et leur souhaite
un
heureux retour auprès de leur familles et de leurs amis.
ALEX MACOMB